Le 02-08-2008, à la terrasse d'un café à Bosanski Brod, BOSNIE-HERZEGOVINE
Hier fût le jour de mon premier camionneur. Après une promenade d'une vingtaine de kilomètres en campagne toujours sous le soleil, je rejoindre en fin d'après-midi une station essence en bord d'autoroute. C'est là que je l'ai rencontré. Je me tenais bien droit, le sourire au lèvre, l'auto-stop-board à la main — vous vous souvenez? le classeur en plastique que j'utilise comme une ardoise pour inscrire la destination. Détendu; j'avais repéré un terrain réservé aux campeurs pour passer la nuit. C'est à ce moment qu'un grand blond costaud m'adresse la parole sans s'arrêter de marcher et me fait comprendre qu'il reprend la route dans une demi-heure tout en pointant du doigt un magnifique camion rouge. Ce que je prends comme une invitation à y embarquer.
Il mange un morceau, nous buvons un verre ensemble et je me retrouve à deux mètres au-dessus du sol dans la cabine du camion. Je m'étonne de la sensation de domination et de puissance que cela procure. Nous parlons peu, il ne parle pas anglais. Nous essayons de communiquer; c'est bien difficile. Je comprends qu'il est Bosniaque, qu'il rejoint sa femme et son fils dans quelques jours. Pour le reste je ne suis sûr de rien. Nous quittons la Croatie dans la nuit au sud au niveau de Slavonskie Brod. Nous attendons des heures à la frontière alors que les voitures défilent sur les voies d'à côté. Je passe la nuit confortablement allongé sur l'un des lits superposés de la cabine.
Dés le début du trajet il me propose rapidement une cigarette. N'étant pas à l'aise j'accepte pour créer un lien alors qu'au fond de moi je n'en veux pas, mais à ce moment le désir de ne plus me sentir mal à l'aise, de ne plus avoir cette sensation désagréable est plus fort. Avant de nous quitter, il m'offre un paquet que je ne sais pas refuser de crainte de le vexer. Je manque de volonté, je ne sais pas dire non. Si j'apprends à me sentir détendu dans n'importe qu'elle situation je n'aurais plus à accepter de cigarettes, de verre d'alcool ou tout autre palliatif pour essayer de faire disparaître cette sensation. Je ne veux plus être dépendant de cela. Voilà ce que je pense aujourd'hui avec la gorge qui gratte et qui me met de mauvaise humeur. Comment faire pour ne pas oublier tout cela lorsque je ne me sens pas bien, confortable comme je voudrais me sentir tout le temps?
Bosanski Brod est une petite ville bien animée juste au sud de Slavonskie Brod, du côté Bosniaque de la frontière. J'y passe la journée. Quatre jeunes m'invitent en terrasse. Je m'installe avec eux. Ils me proposent une bière. J'avais toujours en tête ce que je viens d'écrire dans le paragraphe précédent; une chance! Après un moment qui m'a semblé duré bien longtemps, je refuse tranquillement. Durant ce moment, j'ai eu l'occasion de voir ce qui s'est passé dans ma tête. Les arguments pour accepter et pour refuser, les souvenir de sensations de détente dues à l'alcool et les maux de tête, se sont enchaînés quelque fois même avec violence. Tout cela mélangé aux réactions négatives qu'un refus pouvait provoquer chez ces jeunes. Dans ce genre de situation, je finissais habituellement par dire "oui" pour faire cesser cette agitation intérieur. Cette fois là j'ai voulu essayer autre chose, le "non" : "I don't drink alcool" — je ne bois pas d'alcool. Rien de toutes les réactions négatives que j'avais imaginées ne se sont produites. Ils ont juste proposé un jus d'orange en s'étonnant simplement que je ne boive pas de bière. En entrant dans le camion rouge, j'ai eu une sensation de domination des autres, cette fois-ci ce fût aussi une sensation de domination mais de moi ou plutôt de cette partie qui se trouve en moi mais en laquelle je ne me reconnais pas.
Je reste un moment à déguster ce jus d'orange comme une victoire. Nous parlons de beaucoup de choses, ce que je pense de leur pays, de ce que je faisais avant de voyager, de ce qu'ils veulent faire plus tard. Ils sont plein d'énergie et bien agréable sauf celui qui se trouve juste à ma droite. Il ne parle pas anglais, les autres traduisent ce qu'il dit en ne manquant pas de me répéter qu'il est fou. Ce garçon me compare à l'un des chefs de guerre qui participa aux génocides dans la région, visiblement à cause de ma barbe. Nous continuons sur d'autres sujets. Mon voisin de droite revient sur ce criminel à plusieurs reprises, il mime des gestes obscènes. Il est visiblement saoul. Je m'étonne de ne pas m'en offenser. Je lui offre à plusieurs reprises des cigarettes du paquet que le camionneur m'a donné certainement pour voir sa réaction. Je finis même par lui donner tout le paquet ce qui ne manque pas de le troubler. Ils me déconseillent tous d'aller à Sarajevo et au Kosovo, les serbes sont dangereux. Le "fou" me fait un signe de la main comme pour se trancher la gorge. Je lui sourie, je leurs sourie. Je leur répond par un simple : "I will see" — je vais voir. Cela les rassura comme j'avais pensé, et c'était vrai je n'avais encore rien décidé.
Pour trouver ce que je cherche, je dois savoir ce que je cherche. Voilà ce que tout le monde semble penser... Est-ce bien là ma Vérité? J'en doute.
Lorkan
Lorkan
2 commentaires:
salut christophe, à vrai dire je n'étais pas venu sur ton blog depuis ton départ, il s'en est passé des choses, tes "billets" sont très intéressants à lire, un tel voyage doit te changer à jamais. en tout cas bravo je n'aurais sans doute pas eu le courage de faire de même. Bonne continuation à toi, fait gaffe qd même.
Anthony (ex JDAS)
Salut Anthony
Merci pour ton commentaire. Ca me motive pour continuer à écrire.
A bientôt
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