jeudi 16 juillet 2009

Des bières, des hommes et des femmes


Le 01-08-2008, en sortant de Zagreb.

La traversé de la banlieue ouest en arrivant m'a laissé un si bon souvenir que je ressors de la ville à pied. J'avais repéré un grand parc sur une carte, je ne l'ai jamais trouvé car je me suis égaré. Je me retrouve au nord-est de Zagreb alors que je pensais prendre la direction de l'est. Ca ne me perturbe pas vraiment. Habituellement, lorsque cela m'arrive ou que je me laisse guidé par les pieds, je fais souvent des rencontres surprenantes : un renardeau dans un champs après une sieste, Khatloona la femme qui embrasse les arbres, une vieille dame bien ronde qui me dit que je me trouve sur la bonne route alors que je ne savais pas où j'allais... Bref, lorsque je me rends compte que je ne me suis trompé, je décide de continuer dans cette direction; c'est l'heure du repas et un pompiste m'a indiqué un restaurant à deux ou trois kilomètres.

A deux ou trois kilomètres, je trouve bien un restaurant au bord de la route à l'entrée d'un village. Je tombe ici dans un "traquenard". A la fin du repas, deux Croate d'une trentaine d'années m'offrent une bière. Je ne les sens pas très à l'aise pour parler en anglais; j'accepte donc pour les mettre en confiance. J'ai bien envie de discuter avec eux. Ce "traquenard" n'en est pas vraiment un, c'est plutôt une faiblesse de ma part. Je bois donc lentement la première pinte de bière tout en discutant. Je leur raconte que je voyage à pied et en auto-stop aussi souvent que possible. Ca les passionne, le plus costaud d'entre eux, un brun avec une bonne tête, me propose une deuxième bière ― la première n'était pas encore terminée. Je commence par refuser, il m'explique que la première c'est son ami qui me l'a offerte et que celle-ci c'est lui; j'accepte ne voulant pas le vexer. Ils me déconseillent fortement d'aller en Serbie. Je leur demande pourquoi. Progressivement j'apprends qu'ils ont vécu comme soldats la guerre de Croatie dans les années 1990?


Parfois confusément sous un rayon lunaire,
Un soldat se détache incliné sur l'eau claire ;
Il rêve à son amour, il rêve à ses vingt ans !

Printemps de guerre
Antoine de Saint-Exupéry


J'entame la deuxième binouze alors qu'ils terminent leur troisième ou quatrième, je ne sais plus. Marco et Alen c'est leurs prénoms, Marco c'est le plus balaise, Alen l'est aussi. Ce dernier a passé quatre mois en prison en Serbie. Je vois et ressens leur émotion. Je leur demande s'ils ont tué des personnes tout en allumant une cigarette qui m'a atterri dans la main ― je n'avais pas fumé depuis des mois. Ils ne dirons rien mais la réponse donnée par leurs yeux humides est claire. Je soupire profondément en leur souriant. Les mots que m'a dit un jour une amie me passent par la tête : "Laisse les autres vivre leurs émotions". La discussion continue sur des sujets divers : l'amour, les femmes, les enfants... Alen insiste plusieurs fois pour que je n'aille pas en Serbie, il s'inquiète.

Nous passons l'après-midi ainsi à discuter et à boire les différents spécialités alcoolisés du pays. Nous chercherons avec Alen un hôtel pas cher que nous ne trouverons pas. Fatigué par les effets de l'alcool et du tabac je me résigne à dormir dans un hôtel bien au-dessus du budget habituel.

Le sommeil est mauvais et le réveille est très difficile, mal de tête et nausée m'accompagnent toute la matinée. J'avance péniblement quelques minutes avec le sac qui me semble peser des tonnes. Je m'assoie en terrasse d'un café. Je regarde une femme brune d'une quarantaine d'années qui passe le balaye. Je me sens attiré. Je commande un coca pour calmer les nausées. Puis apparaît une jeune femme blonde. Elle est joyeuse et semble profondément heureuse. Elle rigole souvent, je ne comprends pas toujours pourquoi. C'est maintenant par cette femme que je me sens attiré. Quel est ce phénomène, je dois le comprendre. Je regarde la femme brune, je me sens encore plus attiré, c'est étrange et agréable. A chaque rencontre je sens ce désire grandir et prendre de plus en plus de place. Ce désire me semble unique, sa source est la même pour tous. Où cela va-t-il me mener?



Mon rêve familier

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.
Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.

Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L'inflexion des voix chères qui se sont tues.


Poèmes saturniens
Paul Verlaine

mercredi 8 juillet 2009

Vivre heureux avec Alzheimer?


Aujourd'hui je vais encore une fois interrompre le récit du voyage pour vous parler d'une maladie que l'on nomme Alzheimer. C'est plutôt Daniel et Colette Roumanoff qui vous en parlent. Quelques mois avant mon départ j'ai eu le plaisir d'assister à une conférence où Daniel témoignait de sa façon de vivre cette maladie. Ce sujet me touche particulièrement car ma grand-mère en est atteinte depuis des années. Cette rencontre m'a beaucoup apporté et rassuré, Daniel m'avait montré - comme il l'explique dans la vidéo qui suit - que cette maladie pouvait être vécue de manière heureuse alors que jusqu'alors j'avais uniquement vu la souffrance lié à cette maladie.


Je peux maintenant rendre visite à ma grand-mère dans un état psychique bien différent :o).
Merci à Daniel et Colette