dimanche 31 janvier 2010

Kosovo


Cette semaine, j'ai reçu un email que je n'attendais pas. Je ne sais plus si je vous ai déjà parlé d'un couple que j'ai rencontré à Chênehutte, une petite ville au bord de Loire. Ils m'avaient donné de l'eau et l'homme, un euro pour leur envoyer une carte postale lorsque je serai arrivé aux Indes. De nombreux mois plus tard, c'est ce que j'ai fait. Je n'ai pas acheté le timbre avec la pièce qu'il m'avait donné car on ne peut pas acheter de timbre avec des euros là-bas — encore que. J'ai écris cette carte, en réalité surtout pour moi; je voulais tenir ma promesse et faire ce qui me semblait important. Je pensais même qu'ils m'auraient peut être oublié. Je ne comptais donc pas sur une réponse bien que j'avais indiqué une adresse email sur la carte. C'est donc avec une joyeuse surprise que j'ai reçu une réponse de leur part.

avec un peu de retard pour cause de maladie nous avons bien reçu votre carte postal des indes nous sommes les personnes a qui vous etes venu nous voir a chenehutte pour nous demander de l eau et vous etiez au debut de votre voyage je vois que vous y etes arrive et j en suis tres heureuse pour vous j espere que cela vous a plus et que vous allez tentez une autre destination si vous repassez par la se sera avec joie que nous vous accueillerons je vous remercie encore d avoir tenu votre promesse et a bientot peut etre

Le 7 août 2008, toujours à Sarajevo

Je décide d'aller à Prishtina au Kosovo en bus. Les locaux ne comprennent pas pourquoi je veux marcher et me déplacer en stop. Ils veulent m'envoyer dans des lieux touristiques. La langue m'empêche d'expliquer. Au guichet de l'autogare, la personne me fait comprendre qu'elle ne gêre pas les cars pour le Kosovo, qu'il faut aller dehors. J'arrive tout de même à trouver un bus sur le parking qui part à 18h30.

22:48, le bus roule depuis quatre heures, je n'ai aucune idée de la durée du trajet. On arrive à la frontière du Monténégro, je pensais que nous serions allé directement au Kosovo. Personne dans le bus ne parle anglais. Il fait nuit maintenant. On me demande mon passeport. La tension monte. Une femme ne peut pas entrer dans ce pays car elle n'a pas de visa. Je me rend compte en vivant cette scène à quel point j'ai de la chance de pouvoir voyager; quitter les frontières de mon pays, me déplacer aussi facilement à travers toute l'Europe sans aucune démarche administrative. Pour la plupart des humains, c'est compliqué d'obtenir un visa pour un pays étranger et pour certaines personnes c'est même impossible de quitter leur pays. Le douanier me demande si je veux un tampon sur le passeport? Ne comprenant même pas qu'il me donne le choix, je réponds oui. C'est plus tard que je vais comprendre que cela pourrait me causer des difficultés pour entrer en Serbie. Encore plus tard, j'apprendrais que les douaniers serbes se contentent de barrer le tampon kosovar pour le remplacer avec le leur, antidaté — à la date d'entrée au Kosovo.


Une fois la frontière passée, l'ambiance se détend et devient agréable. Un passager m'adresse même la parole dans une langue que je comprends; il travaille en Hollande et parle un peu l'anglais. Le voyage durera quatorze heures. Nous n'avons fait que traverser le Monténégro; tout ce que j'ai du y faire c'est un pipi. Nous arrivons au matin à Prishtina, les paysages montagneux sont merveilleux.

J'ai déjà rapidement raconté ce qui c'est passé à Prishtina pour moi ici
et .

Ce que je n'ai pas pris le temps de vous dire dans ces articles, c'est une discussion que j'ai eu avec l'une des personnes de l'office de tourisme, une femme très sexy, genre bimbo. Malgré cela, le sujet aidant, je me concentre sur la conversation. Nous parlons un long moment de la situation de ce pays pendant que son collègue cherche une version française d'un guide touristique aussi vieux que moi à un an près. Au moment où je suis passé dans cette région, le Kosovo avait déclaré son indépendance unilatéralement six mois plutôt — en février 2008. Elle n'appelle plus ses amis qui vivent en Serbie parce que ses amis Kosovar le lui déconseillent.


Je reste peu de temps ici, une seule nuit car le prix de l'hôtel est hors budget. L'explication que l'on me donne — non vérifiée — est qu'ils ont décidé d'utiliser l'euro comme monnaie sans que ce soit vraiment officiel. Cela aurait eu pour effet d'augmenter les prix de l'immobilier. Ne trouvant pas le courage de me remettre à l'auto-stop, je repars en bus pour Skopje, capitale de la Macédoine. Je vais rencontrer en Turquie, un français qui s'est déplacé en auto-stop dans cette région quelques mois avant mon passage, sans difficultés.

En attendant le bus, j'ai écris une autre carte postale à une personne importante pour moi. Je n'ai aujourd'hui pas eu de réponse alors que j'en attendais une. Régulièrement, en y repensant, cela m'a causé de la déception ou de la tristesse uniquement parce que j'attendais une réponse. Alors que si j'avais écris cette carte seulement parce que j'avais envie de l'écrire comme au couple de Chênehutte sans attendre quoi que ce soit, je n'aurais pas ressenti cela.

Trois minutes avant de monter dans le bus, je tombe sur un français qui va en Serbie. On a juste le temps d'échanger des bananes, des biscuits et un livre. Il me donne un roman de Milan Kundera : "L'Insoutenable Légèreté de l'être". Son bus part, il jouait de la musique pour vivre... Je me retrouve seul, au milieu des kosovars. :)

En relisant mon carnet de voyage qui me permet de me remémorer ce que j'écris ici, j'ai noté que je me sentais comme le vieux Fraggel Rock, vous savez celui qui voyage dans tout le monde et qui envoie des photos aux Fraggels qui sont restés à la maison. Les Fraggels Rock c'est encore un dessin animé de mon enfance.

Pour visualiser le générique suivez ce lien et un épisode celui-ci je n'ai pas retrouvé le vieux dont je parle.

samedi 2 janvier 2010

Comment se faire peur avec Jean et Antoine?


Alors me revoilà. Je me rends compte que je ne tiens pas l'engagement que j'avais pris : celui d'écrire un article tous les 15 jours. Mais sans lui, je ne serais peut être pas en train d'écrire celui-ci. Ce n'est pas l'envie qui me manque, c'est simplement que j'oublie. J'oublie que ce blog est important pour moi. Comme j'ai aussi décidé de devenir persévérant je vais continuer.

Dans le dernier article, je vous proposais de vous donner une petite recette, alors la voici.

Comment se faire peur avec Jean et Antoine?

Jean et Antoine sont deux jeunes luxembourgeois. Je les ai abordés à la terrasse d'un café, le jour même de mon arrivé à Sarajevo. Je cherchais alors une auberge pour passer la nuit. Deux jeunes étrangers dans ce genre de pays c'est toujours une source d'information utile pour moi. Rapidement, nous parlons français, cette langue est aussi parlé au Luxembourg. Cela me fait beaucoup de bien. Je ne me m'étais pas rendu compte que depuis le village bouddhiste de Bordo, en Italie, je n'avais pas communiqué dans ma langue maternelle. Ils me proposent une bière, j'hésite; non par envie mais par crainte qu'ils refuse de continuer de parler avec moi. Etonnant vous ne trouvez pas? Combien de fois cela m'est il arrivé? Combien de fois ai-je fait quelque chose non par envie mais pour éviter que quelque chose se passe? Je refuse donc. Je prends plaisir à refuser, ça me donne l'impression de redevenir maître de moi.

Antoine se présente comme un gauchiste révolutionnaire et Jean est étudiant en histoire. Ils sont là depuis deux semaines, pour écrire un article sur la Bosnie et son système politique. Ils semblaient avoir abandonné le projet. Pour vous donner une idée, j'ai appris que la Bosnie-Herzégovine est divisé en deux entités: la Fédération de Bosnie et Herzégovine et la République serbe de Bosnie, toutes deux disposant de leur propre constitution. De plus, la présidence comprends trois membres: un bosniaque, un croate et un serbe. Chacun assure à tour de rôle la présidence tous les huit mois.

Nous avons de longues conversations philosophiques et politiques. Je leur parle de ma façon de voir le monde. Ils m'écoutent avec un grand intérêt, je semble leur raconter des choses complètement nouvelles. Je m'en réjoui autant que je serai déçu le lendemain en me rendant compte qu'ils auront tout oublié.

Ils me proposent de les accompagner dans le parc national de Trebevic, au bord de la ville, dans la montagne. Ils veulent louer une voiture. J'accepte la proposition, nous avons rendez-vous pour le lendemain, pour le petit déjeuner au même endroit.
Je vais tout d'abord vous parler d'une femme, une bosniaque qui a vécu le siège de la ville. Il est peut-être utile de rappeler que Sarajevo marqua le début de la première guerre mondiale par l'assassina de l'archiduc d'Autriche François-Ferdinand. Mais le siège que cette femme a vécu est bien plus récent. Il s'est déroulé au début des années 1990 et à duré quasiment quatre ans. Nous avons rencontré cette femme le matin de notre départ pour notre viré en voiture. Nous préparions cette balade une tasse de thé à la main et un croissant dans l'autre. Elle nous a adressé la parole car elle voulait parlait français et, je m'en rends compte plus tard, pour nous prévenir qu'il était dangereux d'aller dans la montagne. Nous l'invitons à s'asseoir à notre table. Elle nous explique qu'il y a des mines. Je vois qu'elle a peur. Rapidement, nous apprenons qu'elle a vécu le siège, la faim, la soif, la peur avec ses deux petites filles. Elle est maintenant au bord des larmes, elle nous quitte précipitamment sur quelque mots d'excuse. Nous n'auront pas l'occasion de lui poser de questions. A ce moment là, je me dis qu'il s'agit d'une peur vielle de plus de quinze ans, qu'elle caution puis-je donner à ses propos? Il m'était évidement qu'elle exprimait la peur de ce qu'elle avait vécu et non pas la peur du danger actuel. Nous déciderons de partir tout de même. La situation ne ressemble pas du tout à ce qu'elle nous avait laissé imaginer. Nous avons traversé des villages et rencontré les personnes qui y vivent. Il est vrai qu'il y a encore des mines et des démineurs mais les zones sont bien délimitées et signalées.

Première leçon que je retiens de cette aventure :
la peur peut nous figer dans le passé.


Sarajevo vu de la montagne

Je ne crois pas qu'ils auraient trouvé une voiture sans moi. Leur pessimisme et leur fatalisme ne les aident vraiment pas. On trouve une première agence de location fermée. En me renseignant dans un bar, mon interlocuteur me dit qu'il sait comment louer une voiture. Je discute avec une personne par téléphone, je ne comprends pas bien ce qu'elle raconte, cela me semble louche mais mes deux nouveaux amis sont emballés. Quelque minutes plus tard la voiture et son propriétaire arrivent. Je n'ai pas pris mon permis de conduire pour le voyage, Antoine n'en a pas, c'est donc Jean qui va conduire. Je charge mon sac à dos car j'ai prévu de ne pas revenir et de les quitter dans le parc au bord de la frontière avec la Serbie bien que je n'ai pas trouvé de carte détaillé de la région, ce qui ne me rassure pas.

Nous voilà donc parti en vadrouille dans la montagne. Tout se passe bien dans la matinée, nous mangeons un très bon repas copieux dans une station de ski avec vu sur les vaches.

C'est après midi que ça se gâte. Pour commencer, nous nous faisons arrêter par une police (nous ne le savions pas encore mais il y a plusieurs polices dans ce pays). Les deux policiers ne parlent pas un mot d'anglais; on ne comprends rien. Jean, le conducteur, se fait embarqué par l'un des policiers alors qu'Antoine et moi restons au bord de la route avec la voiture louée et le second policier. Mon ami révolutionnaire propose des cigarettes à notre nouveau compagnons qui n'est pas désagréable. Jean reviens plusieurs minutes plus tard en nous apprenant que nous avons le droit à une amende de quinze euros parce que nous n'avions pas allumé les feux. Je ne sais toujours pas si c'était dans le code de la route ou si on s'est fait arnaqué. Bref, nous sommes donc relâchés. Le stress laisse la place à une euphorie relative qui aura comme conséquence de nous faire prendre une mauvaise route... une très longue et très mauvaise route. Une route de plus en plus accidentée et qui transforme en chemin de terre. Nous ne voulions plus faire demi-tour. On s'était avancé de plusieurs kilomètres et nous avions pas vu une seule route ou chemin. La nuit tombait, nous roulions de plus en plus lentement pour éviter que le bas de caisse ne touche pas le sol sur une bosse ou lorsqu'une roue passe dans un nid de poule. Un ravin d'un côté, une falaise de l'autre, je sens l'angoisse dans la voiture monté. Nous nous arrêtons régulièrement à chaque gros bruit que nous entendons pour vérifier l'état de la voiture. Le véhicule passe sous de nombreux tunnels de plus plus en plus long qui débouchent à chaque fois sur une route toujours plus chaotique. J'imagine déjà croisé un blindé ou un tank, non pas un mais un convois, tous à la queuleuleu vous savez comme dans les films de guerre. Tous les cinq cents mètres un nouveau tunnel qui était à chaque fois un peu plus long et plus sombre que le précédent — mais ça je l'ai déjà dit. La route me semble interminable, mes compagnons commencent à partager leurs angoisses, je tends de les rassurer et de rester optimiste. Nous finissons par en sortir et retrouver une route bitumée, je ne me souviens pas combien de temps cela a duré.

Deuxième leçon que je retiens de cette aventure :
rassurer les autres est un moyen efficace pour se rassurer soi-même.


Voici nos trois fières héros retrouvant l'asphalte... mais ils ne savaient pas encore que ce n'était pas fini. Vous remarquerez qu'il ne fait pas nuit, contrairement à ce que j'ai noté dans le carnet de voyage. Antoine est le premier à gauche et Jean le second au milieu.

Nous tentons de nous repérer sur la carte sommaire de leur guide de voyage avant de reprendre la route en direction de la frontière Serbe. Nous arrivons à Rogatica, là où j'avais prévu de les laisser. Mais, encore une fois, un policier nous fait signe de nous arrêter. Nous étions tous les trois certain que les feux de la voiture étaient bien allumés. L'homme ne portait pas le même uniforme que le policier précédent. Jean arrête la voiture sur le bas-côté. Il ouvre la fenêtre. Le policier ne parle pas non plus anglais et il semble bien moins amical. Il fait comprendre qu'il veut les papiers du véhicule et nos pièces d'identité. Il va voir son collègue, nous les voyons s'énerver en lisant les papiers. Une nouvelle fois, le stresse monte dans le voiture. D'un pas déterminé et sur un ton sévère on nous fait sortir de la voiture. L'agitation des luxembourgeois est visible, la mienne aussi peut-être. Avant de sortir, Antoine nous dit que là on a vraiment des problèmes. Durant plusieurs minutes, mes deux compagnons tente d'expliquer la situation et ils s'énervent de plus en plus, les policiers aussi. Je décide d'intervenir, je leur montre tout d'abord sur la carte le chemin que nous avons parcouru. Lors du déjeuner, Jean nous avait demandé de rien noter sur la carte, je m'en réjouis maintenant. La situation reste tendue. Je cherche dans le guide linguistique le mot correspondant à "louer" je le trouve mais dans la section croate. Je montre le mot au policier le plus farouche. La situation se détend d'un seul coup. Ils ne comprenaient pas que le véhicule ne nous appartenait pas, ils pensaient certainement à un vol. Je regarde mon interlocuteur dans les yeux et je comprends dans ce qu'il nous dit et surtout dans son regard que nous pouvons repartir. Jean et Antoine ne comprennent pas tout de suite.
Ces policiers n'avaient pas les mêmes uniformes que les précédents car c'était des policiers serbes et ceux d'avant étaient croate je crois.

Ce dernier épisode a définitivement raison de mes intentions de les quitter. Je ne suis plus disposé à les laisser seul et à me retrouver seul non plus. Nous retournons directement à Sarajevo sans détour.


Troisième leçon que je retiens de cette aventure :
les émotions, c'est comme les cornichons, il faut savoir s'arrêter.