mardi 14 février 2012

Rodopi... c'est fini!


La randonnée dans cette chaîne de montagnes boisée durera une dizaine de jours,

à camper dans les champs,
à manger au bord d'un fossé,
à soigner quelques ampoules,
à me faire héberger par une vieille dame qui prend grand soin de moi comme une mère
quand je ne trouve pas une petite chambre d'hôtel pour me ressourcer,
à prendre les papillons et les abeilles en photo,
à manger un kebab dans un village turque
ou encore à camper dans un monastère catholique avant de me perdre le lendemain dans la forêt.

Voici quelques épisodes et observations

Le Gorgie des sommets

Gorgie est un jeune célibataire ingénieur en barrages hydrauliques.
C'est Rosista de Sofia qui me l'a recommandé. Il habite à Devin

Je reste avec lui deux jours, il travaille la journée et le soir il me parle de sa passion en me montrant des photos : gravir les sommets les plus hauts du monde. Il en a déjà escaladé plusieurs, il a une liste bien définie. Je suis toujours impressionné par les personnes qui ont des objectifs clairs précis alors que je n'arrive même pas à dire où je vais dans ce voyage. Il m’apparaît alors qu'en réalité j'ai des objectifs mais je n'en dis rien ou je les oublie temporairement. C'est par peur de de ne pas y arriver. C'est quand même très con.
Le deuxième jour, deux femmes nous rejoignent chez Gorgie, des tchèques si je me souviens bien. Gorgie aime bien héberger des voyageurs. Nous sortons ce soir-là, un concert est organisé dans le village. Gorgie drague l'une des filles qui a de grandes difficultés à marcher. J'observe deux jeunes punks ivres, l'un dort et a uriné sur lui, son pantalon est trempé, une flaque se forme sous sa chaise. De jeunes filles se moquent de lui. Le second punk s'énerve et les insulte. Je me demande en quoi l'urine est si sale... nous avons tous fait pipi dans notre couche lorsque nous étions enfant, aucun enfant n'en est mort. Il doit bien exister une autre façon d'apprendre aux humains de se retenir de faire pipi sans leur faire croire que c'est "horriblement sale" avec toute la répugnance que l'on peut transmettre ou laisser imaginer derrière ce mot? Le troisième jour, je repars fort comme un Gorgie.

Rom mon amour

Ils ne sont pas demandés si j'étais un danger, ils m'ont simplement invité à dormir chez eux.

Après une longue et agréable journée de marche dans les bois j'ai débarqué là ou il était censé y avoir un gîte d'étape. Il était bien là mais avec les portes bien fermées. Cependant, une grande famille de roms vivait dans un bâtiment juste à côté. J'ai vu sortir une vague de femmes de tous âges et quelques enfants. Tous étaient curieux et joyeux de me rencontrer. Je tente d'expliquer ma situation malgré mes émotions causées par les regards et la gestuelle de toutes ces femmes. Je prends la permission d'installer ma tente un peu à l'écart  en compagnie d'un cheval, au pied d'un reste d'arbre foudroyé. Une fois la tente montée et après quelques minutes de détentes, une chienne et son petit viennent me dire bonjour. 
La maman chien ne veut pas que cela dure trop longtemps... rien à voir avec les maman humaines que je viens de rencontrer.

Puis, un homme à cheval arrive. Rapidement il vient me rendre visite avec deux des enfants que j'avais vu en arrivant. Les yeux pétillants ils me parlent. Je crois qu'il m'invite à dormir dans la maison, je n'en suis pas certain. Il me montre l'arbre calciné, le message est clair. Je suis partagé entre la peur des éclairs et d'entrer dans la maison de ces personnes. Les roms étaient encore dans mon imaginaire dangereux, un danger impalpable. Mais leurs visages, leurs sourires ont terrassé ces peurs.




En un clin d'oeil, la tente est repliée et je mange dans la chambre des hommes devant une petite télé et accompagné des enfants. Nous mangeons des poivrons fourrés de riz. L'une des femmes parle quelque mots d'anglais. Les hommes sont des bûcherons et se déplacent à cheval dans la forêt.


Je leur montre des photos ainsi que ma graine de cœur. Cette graine m'a été donnée avant le départ par quelqu'un qui m'aime beaucoup. La petite fille me regarde avec de grands yeux en amandes plein d'amour. Je suis perturbé, elle me rappelle Coline ma filleule, la fille de Sophie. Un jour, en fin de repas, Coline me dit de façon très spontanée qu'elle est amoureuse de moi. Je ne sais pas ce que ces mots pouvaient dire pour une fillette de trois ans mais je sais ce que ces mots voulaient dire pour moi : que j'ai besoin d'être aimé malgré mon idée que j'ai juste besoin d'aimer sans être aimé. Ca me rassurait bien d'avoir l'illusion de ne pas dépendre de l'amour des autres. Cette graine de cœur je ne la donnerai pas à cette petite fille. Le lendemain, je l'ai fortement regretté et je me suis promis de la donner sans hésiter la prochaine fois que j'en aurai envie.


A certains moments, je me sens comme Le lieutenant John Dunbar du roman et du film "Danse avec les loups" lorsqu'il discute avec les indiens pour la première fois.



La soirée se termine dans une grande joie, je joue aux cartes avec les enfants, la bataille, un jeu universel visiblement. J'invite l'un des roms à me rendre visite en France... il n'a pas d'argent pour le voyage... je lui fais comprendre qu'il n'a pas besoin d'argent parce qu'il a un cheval.


Je quitte les Rodopis avec mon baluchon sur le dos comme Lucky Luke. Sauf que moi, Lorkan l'orc, je suis malin, je vais à l'est, je n'ai pas le soleil dans les yeux.

lundi 30 janvier 2012

Aujourd'hui, je pleure la Syrie



Aujourd'hui, je pleure car j'ai peur...

J'ai peur pour Vasken au cœur qui sourit.
Vasken est un ami,
un arménien aux yeux clairs
qui me disait – je suis ton grand frère
et je t'admire comme un père.
Cet arménien vit en Syrie.





J'ai peur pour joli sourire.
Joli sourire est une amie,
une belle fille aux longs cheveux
qui me disait – l'amour est un jeu
un jeu bien heureux.
Cette catholique vit en Syrie





J'ai peur pour le père Paolo d'Italie.
Paolo est un ami
un prêtre jésuite qui agit pour la paix
en nous rassemblant autour d'un thé
qui me disait – ici, tu peux rester.
Ce prêtre vit en Syrie.





J'ai peur pour tous les Syriens
qui m'ont tendu une main.
Alors je pleure, je pleure, je pleure.
Voilà, maintenant je n'ai plus peur;
je vais vous parler de mes amis...




ps :
J'ai régulièrement des nouvelles de Vasken et Myrna (joli sourire), ils se portent bien. Vasken m'a invité à passer le nouvel an dans sa famille.
Je suis impatient de vous raconter les évènements que j'ai vécus en Syrie en leur compagnie.